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La traversée la Méditerranée, étape mortifère sur la route des migrants clandestins, continue d’endeuiller le continent africain. Le bilan des décès ne cesse de s’alourdir face au laxisme des politiques. L’occasion de revenir sur la toile de l’artiste peintre Mariam Abouzid Souali , qui donne à réfléchir sur cette hécatombe.
Le 1er juillet 2023, une embarcation de migrants partie de Tan Tan, au sud du Maroc, a fait naufrage sur la route des Canaries. Au moins 51 personnes sont mortes et seules quatre ont survécu, selon des médias espagnols. Ce type de tragédie n’est pas le premier de cette semaine, ni de cette année, ni même de cette décennie. D’après l’Organisation internationale des Nations unies pour les migrations (OIM), depuis 2021, 1500 personnes ont perdu la vie dans cette zone de l’océan Atlantique. L’association Caminando Fronteras, qui oeuvre pour la protection des droits des migrants, a pour sa part comptabilisé 1 784 décès pour la seule année 2022.
La route des Canaries est toujours considérée comme l’une des plus dangereuses pour les candidats à l’exil qui tentent de rejoindre l’Union européenne, et malgré le renforcement de la coopération Maroc-Espagne dans le domaine des migrations, les naufrages se multiplient dans cette zone de la Méditerranée. Tenter d’échapper à la misère contre vents et marées et se retrouver dans les méandres de la Méditerranée. Cette réalité complexe, qu’est la migration clandestine, marquée par le déplacement forcé de personnes à la recherche d’une vie meilleure, a été abordée de différentes manières dans l’art.
Derniers moments de vie
«Mare Nostrum» de l’artiste marocaine Mariam Abouzid Souali est une représentation expressive de la mer Méditerranée en tant que lieu de transit et de tragédie pour de nombreux migrants. Celle-ci a réalisé en 2018 une toile de 4,91 sur 7,16 mètres dans le cadre de l’exposition « Mare Nostrum » (Notre Mer en latin) à la Galerie Comptoir des Mines de Marrakech. En 2018, Mariam Abouzid Souali a capté sur une toile les derniers moments de vie des passagers d’une embarcation qui fait naufrage, mettant en lumière les histoires souvent invisibles et invisibilisés des migrants et les épreuves auxquelles ils sont confrontés durant ce périple.
L’oeuvre de cette diplômée de l’Institut national des Beaux-arts de Tétouan, met l’accent sur la vulnérabilité des passagers de cette embarcation qui contraste avec une mer tumultueuse, agitée par des vagues puissantes et des courants intenses. Des corps noyés, avalés par la mer en premier plan, et d’autres qui s’agitent, luttent et résistent. Les âmes encore en vie tendent leurs bras remplis d’espoir, tandis que d’autres sont épuisés et décharnés dans des poses tourmentées. L’embarcation personnage à part entière, est elle-même représentée de manière chaotique La souffrance et le désespoir sont palpables, et les cris sourds de désespoir résonnent fort. A travers sa toile, l’artiste capture l’essence des émotions des migrants : la peur, l’espoir, le courage et la résilience.
L’artiste a d’ailleurs minutieusement étudié les détails du naufrage et a réalisé de nombreuses esquisses et études préliminaires pour donner une impression de réalisme et de véracité à son tableau Mariam Abouzid nous rappelle aussi que la population migrante est plurielle. Le déchirement est partagé entre une population que l’on devine marocaine et subsaharienne, et de tout âge. On aperçoit une vielle femme en jellaba et une autre à fleur de l’âge, comme on peut voir un enfant abasourdi et des hommes anéantis. L’oeuvre de Mariam Abouzid frappe par sa puissance émotionnelle, sa composition dynamique et son réalisme saisissant.
Elle nous rappelle d’ailleurs la célèbre oeuvre du français Théodore Géricault, « Le Radeau de la Méduse » dont elle s’inspire en y apportant une touche de modernité et un ancrage spatio-temporel : la représentation de téléphones et de baskets, ainsi que de jellaba et de théière marocaine. «Mare Nostrum» nous rappelle que la migration clandestine est un sujet complexe et urgent, mais offre également un regard critique sur l’incompétence et la négligence des autorités gouvernementales face à ce fléau.
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