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Bonnes feuilles : “Casablanca Circus” de Yasmine Chami – Telquel.ma

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En attendant la parution du cinquième roman de Yasmine Chami, “Casablanca Circus”, aux éditions Actes Sud le 23 août, TelQuel propose d’en découvrir quelques extraits en exclusivité.
Dans le Casablanca de Yasmine Chami, destruction et naissance s’entrechoquent continuellement dans un double mouvement acharné. L’auteure, qui signe son cinquième roman, aura mis plus de 15 ans à le mettre au monde.
Elle ne s’en cache pas : Casablanca Circus, qui paraîtra aux éditions Actes Sud le 23 août prochain, est son roman le plus “difficile”, mais aussi le plus “important” à ce jour. Il y est question d’un bidonville fictif campé au bord de l’Océan Atlantique, dénommé “El Bahryine” – joliment traduit par “le peuple de la mer” – et de ses habitants, constituant des personnages qui nous frappent par leur entièreté.
Nous les rencontrons à travers le regard de May, mère et épouse qui attend son deuxième enfant, de retour dans son Casablanca natal après de longues années à Paris, aux côtés de son époux, Chérif. Le couple, plein d’ambition, appartient à cette élite à la fois sincère et naïve qui rêve du Maroc de demain en se rattachant à ses idéaux d’adolescents ayant toujours été protégés de par leurs origines sociales respectives. “C’est pourquoi nous rentrons chez nous, n’est-ce pas ?” dit Chérif, jeune architecte brillant chargé du “recasement” des habitants d’El Bahryine.
Un projet urbain vécu par May comme une injustice à laquelle elle ne peut se résoudre. Le roman puise alors l’une de ses forces dans l’hésitation qui imprègne le regard que porte la protagoniste sur les bidonvillois : comment raconter avec justesse la puissance de leurs récits et la vérité de leur intimité, sans se substituer à leurs voix, sans verser – malgré elle – dans la condescendance à laquelle son milieu bourgeois la prédestine ?
“J’ai écrit ce roman pour les liens que tisse la littérature quand elle naît d’un besoin de vérité profonde”, reconnaît Yasmine Chami. “Ce besoin aussi, d’élucidation de ce que nous sommes en tant qu’humains dans nos batailles, nos valeurs, nos tentations, nos intimes lâchetés face à la violence du capitalisme financier qui place l’humanité et tout le vivant à la périphérie de la vie”, poursuit-elle.
Après le diptyque constitué par ses deux précédents romans, Médée chérie (2019) et Dans sa chair (2021), la romancière nous emporte dans un univers qu’on ne lui connaissait pas encore: une trame narrative intense, une multitude de personnages, et surtout, une ville que l’on ne pourrait réduire à un arrière-plan.
Avec Casablanca Circus, Yasmine Chami signe probablement ce qu’on pourrait qualifier de premier grand roman casablancais, dans lequel la ville est à la fois érigée en reine et disgraciée.
Ce ne sont pas tant les contrastes sociaux de la métropole – désormais surexploités en littérature – qui y sont mis en avant, mais son urbanisme encore trop difficilement appréhendé. Plus qu’une ville, c’est un territoire littéraire dense et complexe que Yasmine Chami parvient à s’approprier.
“C’est un 
jeu juvénile entre eux, chacun critiquant son monde d’origine”
“C’est un jeu juvénile entre eux, chacun critiquant son monde d’origine pour ouvrir à l’autre sa place dans ce qu’ils construisent ensemble, cet univers bohème et assez confortable qu’ils ont inventé ailleurs, réduisant ce qui les sépare, unis dans leur maîtrise virtuose de la recréation de ce qu’ils transportent de commun, Casablanca à Paris, le Maroc en France et plus largement, en vrac, le Maghreb dont ils ont découvert l’impossible possibilité avec leurs camarades algériens et tunisiens à l’université, unis dans la lecture décoloniale de l’histoire, “les histoires”, martelait Zayed, le binôme de May à l’École des hautes études, le Sud du monde, le monde arabe dont ils n’éprouvaient pas vraiment avant leur vie étudiante et adulte en France la densité vécue comme un désir et une menace pour la vieille Europe, l’islam enfin, Chérif clamant son athéisme et May, désinvolte et armée jusqu’aux dents : “Oui je suis musulmane”, si claire de peau, oui, un physique passe-partout, ah il faut donc passer quelque part, et ce prénom qui brouille les pistes, May, est-ce donc arabe, un prénom chrétien, non ?
Et au fond la remarque n’était pas si déplacée, ils le reconnaissaient entre eux, les parents de May avaient pensé lui ouvrir le monde aussi largement que possible, ils le revendiquaient, pas de ghetto identitaire pour leurs filles, et ce credo sembla d’autant plus pertinent après le 11 Septembre, vécu comme le déclenchement d’une dernière croisade contre les mondes arabo-musulmans au nom de la guerre sainte contre le terrorisme.
Malika racontait avec fierté sa recherche prémonitoire d’un prénom passe-partout en effet, c’est ainsi qu’elle le qualifiait, un joli prénom court et léger à porter, féminin comme le printemps qu’il annonce, fleuri et lumineux, ma May jolie dès la naissance, une rose en bouton, un soleil pour nous tous.
Les voici, May qui passe partout mais pas à Casablanca, où son origine sociale est tatouée sur ses mains aux ongles rose pâle, ovales, ses poignets fins, sa démarche, sa chevelure aux ondulations libres, et jusqu’à l’extrême simplicité de sa mise, jean et chemise d’homme blanche dans laquelle elle flotte, tout trahit l’aisance et une vie ailleurs, une sorte de confiance immédiate dans la présence à soi et aux autres, sans apprêt, plus révélatrice que tous les ornements…
Et Chérif dont la démarche tranquille, la bienveillance immédiatement perceptible, les intonations affirment qu’il appartient au noyau dur de cette ville d’Oulad Ziane à l’avenue du Prince Moulay Abdallah, en passant par le Derb ou les méandres du quartier Bourgogne ; les voici ensemble et soudain confrontés à leur évidente hétérogénéité, et tout commence ou surgit avec cette discussion en apparence anodine, mais pleine d’embûches que chacun pressent, “où veux-tu que nous vivions, ma chérie ? »
“Que reste-t-il de toute cette effervescence ? interrogea May la nuit tombée, marchant le long de l’océan, déchaussée, la jupe remontée au-dessus de ses mollets que le ressac caressait. La plage d’Aïn Diab était quasi déserte, éclairée par les lampadaires épars le long de la corniche animée ; au loin les lumières de la ville…
“Une mémoire, ma chérie, nous savons que nous pouvons rêver et inventer autre chose, c’est pourquoi nous rentrons chez nous, n’est-ce pas ?”
Une paix vivante les enveloppait tous les deux, tous les trois, sourit-elle secrètement. Chérif répondit : “Une mémoire, ma chérie, nous savons que nous pouvons rêver et inventer autre chose, c’est pourquoi nous rentrons chez nous, n’est-ce pas ? Pour ne pas vieillir exilés, séparés de nos enfants par notre propre enfance dont les récits ne pourraient résonner avec la leur d’aucune manière, pour pleurer et rire ensemble des travers de notre terre, pour nous indigner légitimement de ce qui est injuste, non pas en étrangers mais dans le vif de cette appartenance qui nous fonde et nous tient unis aux autres. Et aussi bien sûr pour apporter notre contribution, inventer à notre tour une autre manière de vivre tous ensemble, en accord avec ce que nous pensons juste.
May inclina la tête et Chérif, qui l’observait, releva une longue mèche échappée des épingles qui tenaient ses cheveux ramassés. Quelques pêcheurs solitaires, bercés par le va-et-vient des vagues douces à marée basse, assis sur des chaises en plastique blanc plantées dans le sable mouillé de la grève, avaient arrimé leur ligne et attendaient patiemment le poisson sous le ciel tendu comme une étoffe profonde, brillant d’étoiles.
Devant eux à gauche, le marabout de Sidi Abderrahmane à présent relié à la terre ferme par une jetée luisait sous la lune.”
“Mais ce qui agitait May tandis qu’elle parcourait avec précaution l’espace rocailleux qui la séparait de la pointe extrême de la presqu’île, c’était l’étonnante permanence de la ségrégation, les nouvelles élites nationales, le plus souvent francophones, prenant la place des anciens colons dans les quartiers d’habitation huppés, maintenant de fait la division de Casablanca entre ville européenne et ville populaire.
“Casablanca, peu soucieuse de son histoire, préoccupée d’absorber le flux incessant des paysans en quête de travail, tournait le dos à toute mémoire”
Elle observa l’espace sauvage après le phare, presque désaffecté, comme si Casablanca, peu soucieuse de son histoire, préoccupée d’absorber le flux incessant des paysans en quête de travail, tournait le dos à toute mémoire qui tenterait d’inscrire dans l’espace les signes d’un passé, prise dans la permanence d’un présent incarné dans les protubérances d’immeubles souvent clinquants, parfois étonnamment inspirés des styles européens ou californiens, construits sur les décombres de splendides vestiges des maisons Art déco rasées sans autre forme de procès.
Casablanca ou la ville de la réinvention de soi, des excès, de l’argent, de la liberté, enfantant avec une sauvagerie paradoxalement policée plus de la moitié des richesses du pays, dressée dans l’orgueil de sa prodigalité contre les cérémoniels pesants et courtisans de Rabat, la capitale verdoyante et impériale, lui opposant les folles trépidations de ses activités, le courage et la persévérance de ses habitants avalés aussitôt arrivés dans sa gigantesque et exubérante matrice.
Parvenue à quelques centaines de mètres du bord de la falaise, May distingua le miroitement des habitations de tôle et de plastique, elle pressa le pas tout en protégeant son ventre de ses bras. Elle marcha, contournant le bidonville jusqu’à la pointe, et s’assit à même la roche en forme de promontoire, face à l’océan dont les vagues frappaient la falaise exposée au ressac incessant. La tiédeur insolite de ce mois d’octobre finissant enveloppait la ville d’une langueur humide, presque tropicale.”
“Ce projet se fera contre eux, à leurs dépens, je le comprends déjà, parce que tous ont construit des vies qui impliquent leur présence ici, au cœur de la ville, leurs nuits rythmées par l’illumination alternée du phare, dont le faisceau balaye le bidonville en même temps que l’océan.
Comme je sais déjà que Nessim a saisi pleinement l’enjeu de la réhabilitation patrimoniale de la médina autour des traces de la présence des trois communautés, musulmane, juive et chrétienne, destinée à ancrer l’image d’une ville moderne et ouverte au monde, loin de toute radicalité. Et ton père ne peut qu’adhérer à un projet qui propose de reloger décemment les habitants du karyane d’El Bahriyine tout en valorisant le phare comme un lieu de mémoire.
Je me sens seule, presque insensée, hantée par les visages de Ftoma et Siham, Aïcha et Houda, Zohra et Rahma, Lahcène, Ahmed, Hakim qui pêche et surtout qui aime la lumière et les vagues, Hamza et son triporteur indéfiniment bricolé, Houssein et tous les autres.
Insulaires et reliés au ventre de la ville par des fils ténus, que deviendront-ils dans la bienheureuse relégation promise par le recasement, laideur de ce mot qui me renvoie aux cases des esclaves en Amérique, mais aussi à une sorte de redéploiement de corps encombrants et brouillons, fauteurs de troubles sur cette corniche devenue une vitrine des prétentions mondialisées de la ville, fétus d’humanité abîmés, bringuebalants, indésirables, dont la vue rappelle au promeneur le petit peuple résistant, agile et fragile tout à la fois, vivant de bric et de broc, incarnation insoutenable de ce que nous acceptons collectivement comme une vie pour les plus démunis d’entre nous.

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